4. A l'écoute

Peut-être est-ce dû votre gène de romancière, vous avez toujours une oreille qui traîne. Que ce soit dans le train où vous imaginez les visages des personnes qui échangent dans les sièges loin de votre regard, dans les salles d’attente où l’on peut parfois saisir des bouts de destins ou dans votre quotidien où, inéluctablement, vous attrapez des instantanés de conversations lors d’un croisement sur un trottoir ou à une caisse, bref partout où des humains racontent un morceau de quelque chose.

Parfois, l’un de ces fragments sorti de son contexte vous interpelle ou vous fait sourire, quelquefois quand vous avez le privilège d’écouter un peu plus longuement, vous vous faites le film qui entoure l’extrait et votre esprit gambade décidant la fin de l’histoire, de la tournure des événements, de la réaction des concernés.

Cette sale manie de suivre les discussions qui ne vous regardent pas n’a pas vocation à cancaner, elle est juste la curiosité des gens, un point d’observation de vos congénères. Elle nourrit l’écriture quand d’un souvenir vous habillez l’un de vos personnages ou réutilisez partiellement ou totalement une de ces scènes dans un récit. Elle construit un imaginaire, l’agrémente et vous fait voyager dans la vie des autres, ce qu’elle est, pourrait être ou ne sera pas.

Cette activité bien innocente n’a qu’un seul effet pervers : lors de repas au restaurant lorsque, sous l’œil perplexe de vos interlocuteurs, vous glissez inopinément une réponse à la question posée à la table d’à côté.