28 Novembre 2017
Je ne suis pas particulièrement timide, certainement pas effacée. Ai la chance d'être diplômée et d'avoir reçu une solide éducation. Mère féministe, mari avec qui tout est partagé, des basses besognes quotidiennes aux éclats de rire. Ai et ai eu des responsabilités professionnelles y compris hiérarchiques. Je tente d'éduquer mon ado à l'égalité tant je suis profondément convaincue de l'impératif d'une société où doit régner l'égalité des droits entre les humains quelques soient leurs races, genres, cultures, nationalités, orientations sexuelles.
Et pourtant.
Malgré ce bagage, ces contextes aujourd'hui professionnel amical et familial sains, je réalise, depuis quelques jours, que le fait d'être une femme est un élément clé de mon quotidien. Bien sûr me direz-vous, c'est une évidence. Vraiment? Est-ce la même caractéristique d'être une femme que d'avoir les yeux bleus? Là où cela diffère c'est que cet élément conditionne mon comportement. En permanence.
Quand je donne une conférence, il faut baisser la voix parce que les timbres hauts sont moins agréables, ne pas être trop militante pour ne pas passer pour une hystérique. Pour être entendue professionnellement, il faut faire oublier son genre, des fois qu'avoir une utérus vous enlèverait une partie du cerveau : anticiper les réactions, baliser son décolleté, ses talons, tendre à une neutralité physique, gommer ce qui appartient, parait-il, à mon sexe. En tout temps, en tous lieux. Y compris en tant qu'écrivaine, où il faut se défendre d'écrire des textes trop sensibles catalogués pour femmes.
Pour avoir une chance d'exister dans un très grand nombre de domaines, il faut faire oublier le féminin. Comme si féminin signifiait de moindre qualité, sous-genre. Mon comportement d'adaptation au quotidien le dit. J'ai tellement intégré cette donnée que faire oublier mon genre pour être entendue est devenu une seconde nature, une deuxième peau. Au risque d'étouffer la première.