13 Février 2018
Se définit-on par son poste? Est-on son titre? J'ai toujours véhémentement répondu non. J'ai toujours défendu le fait d'être soi avant les caractères de la carte de visite. Durant mes vingt ans de carrière, j'ai eu des rangs assez importants, d'autres très accessoires. De ceux dont j'ai été fière, d'autres que j'espérais temporaires. Il y a des bristols d'indépendante dont j'avais choisi le logo, le nom, le papier même, de ceux qui ont été si éphémères qu'il est heureux que je les aie gardés pour me les remémorer. Il y a des entreprises auxquelles, au début l'appartenance était admirable, puis en une nuit est devenue honteuse. Il y a celles que j'ai défendues bec et ongles. Il y a celles qui ont été de sacrés défis. Elles ont toutes ajouté, au fil des ans, des lignes à mon CV. La dernière, que je m'apprête à quitter, a été une aventure très intense de plus de quatre ans. Des moments de lutte, des moments de doute, des réussites aussi. Une page qui va se tourner. Perdrai-je, en n'inscrivant plus ce titre de juriste comme emploi, une part de moi, de mon identité ? Je l'ai déjà délaissé quelques fois, mais le droit était toujours là, en filigrane, à portée de doigt, ce lic. jur. que je dégainais en cas de nécessité. Un morceau rassurant de moi, une garantie de mes compétences. Presque un label de qualité.
Cette fois, pour quelques mois en tous les cas, je pose mes codes, je referme articles, alinéas et litteras. Je laisse mon cabinet continuer sa route avec celle qui avec moi l'a fondé. Je souffle une dernière fois dans les voiles pour qu'il vogue encore longtemps et loin. Et je m'en vais, dans une quinzaine, marcher ailleurs, défricher d'autres contrées. Ainsi, lorsque ma profession il faudra inscrire, c'est avec émotion que j'apposerai ce mot un peu effrayant qui me rend si heureuse : écrivaine.