15. Attachez vos ceintures

J'ai une petite voiture, une petite chose orange un peu vieille qui m'en a fait voir de toutes les couleurs et m'a permis de cotoyer bien plus que de raisons des garagistes bien embêtés.

J'ai d'autorité décrété qu'elle n'était pas si mini malgré les dénégations de mes proches, surtout ceux qui ont la mauvaise idée de dépasser le mètre quatre-vingt et de manquer de souplesse.

Elle et moi adorons nous faufiler, écouter de la musique trop fort, faire de grands signes quand le toit est bien rangé. Elle a une qualité première, elle a des sièges chauffants modèles bitume-sous-soleil-tropical qui, en plein hiver, vous donnent la sensation incroyable d'être un steak congelé côté face, cramé sur la braise côté pile.

Ce véhicule ne sait pas bien grimper les côtes, au point que l'ado craint le pire si l'on doit s'arrêter en pleine ascension. Moi je lui fais confiance, elle me fait des variantes, mais à son âge bientôt vénérable on en a fini avec les bêtises (je lui applique avec force de conviction la méthode Coué).

Compte tenu de tous ses défauts (enfin ceux que les autres lui prêtent), il est régulièrement envisagé de la mettre à la retraite. Mais pour l'instant aucune autre n'a su me séduire. Trop grosse, trop gourmande, trop ou pas assez, bref, je suis sentimentale, elle m'est irremplaçable.

Quand il fait beau, elle se découvre autant que moi je me couvre (casquette, écharpe et crème solaire indice maximal) et m'emmène écouter les oiseaux, humer quelques senteurs, glisser d'autoroutes en ruelles. Nous sommes alors en osmose, pour encore longtemps, à chaque kilomètre espérer je l'ose.